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PHOTO SIEBERT 1 © Philippe Matsas.jpg

Né en 1974, poète, écrivain et performeur, Christophe Siébert vit à Clermont-Ferrand.
Ses premiers textes paraissent en 1998, sous la forme de fanzines autoédités. Son premier roman publié par un éditeur, J’ai peur, sort en 2007 à La Musardine. Une vingtaine d’ouvrages suivront, la plupart chez des éditeurs underground.
Ses livres, influencés par le roman noir, la science-fiction et l’horreur, donnent une voix aux gens qui vont mal, quels qu’ils soient, et communiquent au lecteur, au moyen d’une écriture sèche, des émotions fortes. En 2018, les éditions Au diable vauvert décident d’accompagner la suite de son parcours. Métaphysique de la viande, son premier livre paru chez cet éditeur, a obtenu le prix Sade en 2019. D’après Jean-Pierre Andrevon, Siébert est « un féroce inclassable dont on a pas fini d’explorer les arcanes ».
À partir de 2020, il s’engage dans la rédaction des Chroniques de Mertvecgorod, qui devraient compter au total une vingtaine de volumes, répartis en différents cycles.
Depuis plus de vingt ans il participe à la scène alternative, aussi bien en éditant des fanzines (en solo et en collectif) qu’en se produisant dans des lieux autogérés et des cafés-concerts (en France, en Belgique, en Suisse francophone) pour lire ses textes, accompagné tantôt de musiciens, tantôt d’une bande-son composée par ses soins. Son public l’apprécie pour le caractère sombre et viscéral, oppressant et immersif de ses lectures, dont on peut trouver de nombreuses captations sur internet.
Il a également joué dans des cadre plus institutionnels, tels que les théâtres des Treize Vents, à Montpellier, et de L’élysée, à Lyon, sans oublier le Point FMR, à Paris, ainsi que dans des librairies partout en France. Il a aussi participé à de nombreuses tables rondes dans le cadre des salons du livre auxquels il est invité.
En plus de son travail d’auteur, Christophe Siébert dirige la collection « Les Nouveaux Interdits » pour La Musardine (22 titres parus à ce jour) et rédige, pour le blog de ce même éditeur, des articles consacrés à l’écriture, ses techniques et ses enjeux. Il se fixe pour but de redonner ses lettres de noblesse à l’érotisme en proposant, loin des clichés d’un genre souvent victime de sa médiocrité, des romans ambitieux, portés par des voix fortes, en prise avec le monde contemporain.
Enfin, mandaté par l’association Les Avocats du Diable, Christophe Siébert a créé et organise depuis décembre 2023 le Prix Jacques Sadoul, concours de nouvelles doté de 2 000 euros, consacré aux littératures de genre. Pour notre première édition, nous avons reçus 257 textes émanant aussi bien d’auteurs et d’autrices confirmées que de nouvelles voix.

Bibliographie 

• J’ai peur, roman, La Musardine, 2007
• Poésie portable, poésie, Gros Textes, 2013
• Découper l’Univers, poésie, Gros Textes, 2015
• Holocauste, roman, Rivière Blanche, 2016
• La Place du mort, roman, OVNI, 2017 (épuisé)
• Porcherie, 4 volumes, nouvelles, Les Crocs Électriques, 2017-2018 (épuisés)
• La Trilogie de la crasse, roman, Batro Games, 2018
• Une vie normale, poésie, Le Dernier Cri, 2018
• Métaphysique de la viande, roman, Au diable vauvert, Prix Sade 2019
• Fabrication d’un écrivain, récit, Au diable vauvert, 2019

Cycle des chroniques de mertvecgorod :
• Images de la fin du monde, roman, Au diable vauvert, 2020, finaliste du Grand Prix de l’Imaginaire 2021
• Feminicid, roman, Au diable vauvert, à paraître en septembre 2021, finaliste du Grand Prix de l’Imaginaire 2022 et bénéficiaire de la bourse « Année sabbatique » du CNL
• Valentina, janvier 2023, au Diable vauvert, finalisé dans le cadre de sa résidence d’auteur à la Villa Marguerite Yourcenar
• Vive le feu, 2023, aux éditions Zone 52
• Hram, 2023, aux éditions Gore des Alpes
• Volna, 2023, au label Mu des éditions Mnémos

À paraître :
• Une vie de saint, mars 2025, au Diable vauvert
• Mort à la vie, prochainement, Mu / Mnémos

Trois  questions où plus aux autrices/auteurs Finistellaire#4.

  1. Peux-tu te présenter ?

Je suis Christophe Siébert, auteur au Diable vauvert notamment, directeur de collection à La Musardine, cocréateur et organisateur du Prix Jacques Sadoul, performeur en duo avec Mauricio Amarante. J’ai cinquante ans, je vis actuellement à Clermont-Ferrand et bientôt à Bucarest. J’ai publié un peu plus d’une vingtaine de livres. L’anthologie Les Nouveaux déviants, que j’ai codirigée avec Morgane Caussarieu sur une idée à elle, vient de paraître au Diable vauvert. Mon prochain roman, Une vie de saint, sortira en février 2025, toujours au Diable.

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2.Comment es-tu venu à la lecture ? (premières lectures en général, en imaginaire)

Mes premières lectures ont été la série Langelot agent secret, écrit par le mystérieux Lieutenant X (en réalité Vladimir Volkoff), parus à la Bibliothèque verte. Peu après il y a eu Jules Verne. Ensuite ça s’est rapidement emballé, j’ai découvert que lire me permettait de rester en retrait de tout ce qui me faisait chier : le collège (puis le lycée), mes parents timbrés, etc.

Mes premières lectures dans le domaine de l’imaginaire, je ne me souviens pas au juste. Je dévorais les bouquins par paquets de douze. C’était sans aucun doute par le biais de la collection J’ai lu SF (la vieille, aux dos violets), et ça a pu être aussi bien Philip K. Dick qu’Asimov ou Van Vogt – peut-être bien Van Vogt, maintenant que j’y pense, Le Monde des Ä€.

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3.Ton enracinement dans les « imaginaires » est-il délibéré et fruit d'une passion ?

Je ne crois pas que je sois enraciné dans l’imaginaire ni où que ce soit. Les lecteurs de littératures de l’imaginaire, les organisateurs de salon, les critiques et tous les autres acteurs de ce secteur m’invitent à leur table et je viens avec une grande joie. J’essaie de me comporter comme un convive agréable et aimable mais je ne suis rien d’autre qu’un invité. De même que je suis aussi invité à la table des polareux, à celle des amateurs de littérature blanche et à celle des amateurs de romans tordus et bizarres. J’adore être invité, ça veut dire qu’on m’aime bien, et j’espère continuer à l’être partout, sans distinction de chapelle. Mais mon seul enracinement est dans mes livres et nulle part ailleurs.

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4.Quels sont tes 5 auteurs favoris (ou plus) en imaginaire ?

Mes auteurs favoris, ça ne veut pas dire grand-chose et ça évolue au fil du temps. Je vais plutôt citer une poignée de personnes dont je sais qu’elles m’ont influencé et m’influencent toujours – je dis « je sais » pour sous-entendre qu’il y en a des tas d’autres qui m’influencent sans que je m’en sois encore rendu compte. En se limitant à l’imaginaire, ce qui réduit nettement la liste, il y a Lovecraft et Dick comme figures tutélaires ; la new wave anglaise, Ballard et Moorcock en tête ; quelques américains dingos à la frontière de la SF et de l’avant-garde, comme Burroughs ; les énervés des années 80-90 publiés notamment au Fleuve noir, par exemple Andrevon, Houssin, Brussolo. En dehors des individus, j’ai aussi été nourri par l’existence de genres tels que le cyberpunk, le splatterpunk, le body horror, mais sans me référer à des autrices ou des auteurs précis. Il ne faut pas non plus oublier les classiques de l’horreur contemporaine, dont Barker et Bret Easton Ellis (Zombies et Lunar Park constituent des sommets du genre) occupent les deux extrémités de mon spectre personnel. Je dois aussi tenir compte de ma découverte récente de Marianna Enriquez, dont les effets sur mon travail se font déjà ressentir. Bien sûr, ma formation de lecteur s’est aussi établie à partir du roman noir et des marges de la littérature générale.

Les autrices et auteurs proches de moi (proches dans le sens où je les connais dans la vie) qui pourraient relever de l’imaginaire et que j’ai grand plaisir à lire sont nombreuses et nombreux. J’aimerais citer particulièrement Alexandre Jestaire, Christophe Carpentier, Morgane Caussarieu, Sébastien Gayraud, Raphaël Eymery, Nicolas Cartelet, Justine Niogret, Isabelle Wéry – il y en a beaucoup d’autres, évidemment, mais ça fait un bon point de départ, déjà. On pourrait ajouter Jérôme Leroy, Antoine Chainas et Clément Milian, habituellement rattachés au polar mais qui incorporent dans leur littérature des éléments qui ne les rendent pas hors-sujet ici. Enfin, je suis l’éditeur de Claire Von Corda, qui a trempé ses deux romans érotiques (Insatiable et Obsessions) dans un épais baril d’étrangeté lynchienne.

Ah ! Et Ravalec, bien sûr ! En principe considéré comme un auteur de littérature générale, sauf que le fantastique et le bizarre hantent son œuvre, ainsi qu’une sorte d’ésotérisme goguenard et inquiet qui n’appartient qu’à lui.

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5.Lis-tu encore beaucoup malgré tes activités d’écriture et professionnelles ?

C’est une drôle de question. En toute logique, les auteurs sont supposés ou devraient lire dix fois plus que les autres. Et c’est évidemment ce que je fais. Je lis tout le temps. Mes lectures sont un mélange de manuscrits, de bouquins qu’on m’envoie (souvent écrits par des copines ou des copains) et de bouquins que j’achète – dans ceux-là, j’alterne nouveautés et vieux trucs, classiques et curiosités, sans ordre ni hiérarchie.

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6.Dans l'imaginaire on distingue (le sigle SFFF) science-fiction, fantasy et fantastique, quel est ton genre préféré et pourquoi ?

Je n’ai aucun genre préféré parce que je n’aime pas les genres. Je comprends que ça soit utile pour s’y retrouver mais ça ne m’intéresse pas du tout. Je suis plutôt enclin à suivre des maisons d’édition, des collections, des autrices ou des auteurs, sans me demander si le machin provient de tel rayon ou de tel autre.

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7.Quel temps consacres-tu à l'écriture (jour ou semaine ou mois) ?

Hormis les mois que je consacre à mon boulot d’éditeur (en général, je m’y colle un trimestre par an – j’ai du mal à varier les activités au sein d’une même journée, donc je préfère être éditeur à temps plein, huit heures par jour, pendant trois mois, plutôt que faire l’éditeur le matin et l’auteur l’après-midi pendant la moitié de l’année), je bosse toute la journée à mes manuscrits. Selon l’étape où ils se trouvent (phase de réflexion et recherche, premier jet, relecture, corrections avec mon éditeur), c’est plus ou moins long et plus ou moins intense. Disons que mes journées de travail varient de moins de quatre heures à plus de quinze et que j’en sors tantôt avec l’envie d’aller boire des coups avec les copains, tantôt avec celle de me rouler en boule dans mon lit et faire l’amour à un Doliprane.

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8.As-tu d'autres passions ?

« Autres » suggère qu’écrire serait une passion, ce qui n’est pas vraiment le cas. C’est mon activité principale, mon gagne-pain et d’une manière ou d’une autre le centre névralgique (psychique, métaphysique, névrotique, ce qu’on veut) de mon existence, mais une passion ? Non, je ne crois pas. Est-ce que j’ai des passions ? Je ne suis pas sûr. J’aime picoler avec mes amis. J’aime aller au restaurant en bonne compagnie. J’adore me balader en ville. Et je lis.

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9.Quelles difficultés as-tu rencontré pour te faire éditer ? Que penses-tu des gros éditeurs (pratiques) et de l’expérience acquise en tant qu’éditeur à La Musardine ?

Se faire éditer ne présente pas la moindre difficulté : il suffit d’envoyer un manuscrit à une maison d’édition et attendre sa réponse. N’importe qui peut le faire – et, hélas, n’importe qui le fait, en tant que membre du comité de lecture du Diable je suis bien placé pour le constater. Laver la vaisselle ou acheter du pain est bien plus exigeant que se faire éditer, ne serait-ce que sur le plan physique.

En revanche, ça peut être long et frustrant. Entre mes premières velléités, en 1998, et ma première parution, en 2007 (J’ai peur, à La Musardine), il s’est écoulé une décennie. Et entre ce premier roman et mon entrée au Diable vauvert, en 2019 (avec Métaphysique de la viande, qui a reçu le prix Sade), il s’en est écoulée une autre, au cours de laquelle j’ai publié une quinzaine de livres chez des éditeurs à diffusion restreinte. J’ai beaucoup aimé cette période, mais quand j’ai décidé que le RSA ne me suffisait plus et que je voulais vivre de mon travail, il a évidemment fallu que je change de catégorie. Là encore, ça n’a pas été difficile : long, certes. Incertain, avec des chances de succès proche de zéro (mais j’ai réussi mon coup et n’en suis pas peu fier), OK. Mais difficile ? Non. Il a suffi d’envoyer des manuscrits et attendre la réponse.

Je pense que les groupes jouent un rôle nécessaire, notamment en prenant en charge une littérature mainstream que les éditeurs indépendants n’ont pas forcément vocation à publier mais qu’une partie du public à tout de même envie de lire. Cependant, avec la concentration qui s’accroît et conduit à des situations de quasi-monopole sur des pans entiers de l’édition, avec l’acquisition de ces groupes par des multinationales qui se soucient de littérature autant que moi d’aller à l’église brûler un cierge pour sauver l’âme tourmentée d’Alexandre Jardin, on aboutit à une réduction préoccupante de la liberté d’expression et à une logique capitaliste de recherche de profits à court terme qui met en péril le secteur dans son ensemble.

Si on en revient à ma petite barque à moi et à la façon dont je la mène, je ne me vois pas du tout chez un gros éditeur. Ce que j’aime au Diable vauvert et à La Musardine, c’est que les gens avec qui je collabore sont des amis. Ces maisons sont des entreprises à taille humaine, des PME. Les décisions sont prises par la boss (c’est une boss dans les deux cas, Marion Mazauric au Diable et Anne Hautecoeur à La Mus’), éventuellement de façon collégiale, mais il n’y a aucun conseil d’administration, aucun directoire, aucun groupement d’actionnaires ou je ne sais quoi qui chapeaute la maison et dicte qui signer et qui ne pas signer, qui développer et qui virer. Bien sûr, les pressions économiques existent aussi dans l’édition indépendante et s’exercent avec la même force (voire davantage), mais si Marion décide de se séparer d’une autrice ou d’un auteur, ce sera sa décision à elle, et elle l’assumera, et ça se réglera dans son bureau, entre quatre yeux.

Pour répondre à ta question sur La Musardine : ce qui est intéressant, dans le fait d’être éditeur de la façon dont je pratique ce métier, c’est que ça me permet surtout de transmettre le peu que je sais. J'ai davantage l'impression de faire de la formation, d'une certaine manière, que de l’édition. C’est pour ça que j’ai un très grand plaisir à travailler avec des primo romancières et des primo romanciers, mais aussi avec des autrices ou des auteurs qui ne se pensent pas écrivains, qui viennent juste avec leurs fantasmes, leurs obsessions, leur histoire de cul qui les travaille et qui demande à être racontée (puisque les deux collections que je dirige sont consacrées à la littérature pornographique). Mon travail consiste à collaborer avec elles, avec eux, à les aiguiller, à les guider, de sorte qu’à la fin, de ce manuscrit souvent maladroit, bancal, incomplet, sorte un livre – et souvent un très bon livre, un livre nécessaire, parce que ces autrices et ces auteurs viennent, pour la plupart, avec un viatique irremplaçable et qui manque à beaucoup de romans de littérature générale que je peux voir sur les tables des librairies : elles ont, ils ont un truc à dire. Elles ont, ils ont dans le crâne un truc qui tourne, qui les empêche de dormir, et il faut que ça s’exprime d’une manière ou d’une autre. Et si à la fin de ce boulot j’ai réussi à susciter l’envie de se lancer dans un nouveau roman et le désir de mieux piger ce qu’est la narration, ce qu’est une phrase, ce qu’est la composition, ce que sont toutes ces choses-là, alors j’ai le sentiment du devoir accompli.

Bien sûr, je travaille aussi avec des autrices et des auteurs plus expérimentés et c’est une autre forme de plaisir. Là, je viens de terminer l’éditing du prochain roman de Christophe Bier, qu’il m’a fait l’honneur de me confier, et c’était évidemment un régal de se plonger dans un manuscrit déjà parfaitement abouti, publiable quasiment tel quel, et d’aller chercher la petite bête, d’aller traquer tous les points où on pourrait affiner, amplifier, améliorer encore. C’est une autre forme de plaisir, décuplé quand l’auteur – c’est le cas avec Christophe Bier – se passionne lui aussi pour cette phase du travail et te renvoie la balle.

Enfin, cette activité nourrit mon travail d’auteur. Je pense que depuis que je suis directeur de collection à La Musardine (pour situer : depuis 2019, j’ai édité 39 romans aux Nouveaux Interdits et aux Aphrodisiaques et j’ai été directeur d’ouvrage, comme on dit, pour 9 autres livres parus à La Musardine ou Au diable vauvert), mon écriture a gagné en rigueur et en fluidité et je suis devenu beaucoup plus attentif et efficace lorsque je révise mes propres manuscrits. La raison est simple : 90% des conneries, maladresses, lourdeurs, platitudes, faiblesses, etc. qui parsèment les pages des mes autrices et de mes auteurs truffent également les miennes : aussi, à force de les traquer chez mes camarades, j’acquiers un entraînement et des automatismes qui me sont profitables.

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9.La Bretagne, son terroir, ses légendes, la culture celtique comment est-ce venu ? Par tes origines ?

C’est pas vraiment venu, mais peut-être un jour, qui sait ?

 

Un coup de gueule peut-être c'est permis.

Non, pas de coup de gueule – déjà, je ne suis pas fana de cette expression, et je ne vois pas tellement l’utilité.


 

Un grand merci à l’auteur.  Reçu par courriel le 24 octobre 2024  Jean-Pierre FREY pour la 29 ème dimension

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